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L'OUBIPO * de Mère Nature (Sardinosaures)

*OUBIPO : Ouvrage de biologie potentielle

(Les sardinosaures sont une contrainte poétique de l'Oulipo)

 

 
 

Castortue

Un castor se plaignit auprès d'une tortue

Des revers terribles subis sous les humains.

Tantôt la fourrure, tantôt la bonne chère,

Ou parfois le blâme de submerger des terres

Réservèrent aux siens une fatale issue.

"J'ai survécu", dit-il, "mais l'avenir est sombre,

Partout dans le monde, des bipèdes en nombre,

Encombrent de routes, de maisons nos terrains.

A quoi sert de bâtir un magnifique ouvrage,

Si l'on ne peut vieillir dans son propre barrage?"

Il se mit sous les dents un délicat bouleau,

Tout en grognant et soupirant: "Quel vain boulot".

N'écoutant que son coeur, la porteuse d'écailles

Proposa au castor logis et épousailles.

Mère Nature donna même son aval,

Etant d'humeur à chambouler l'ordre ancestral.

Bientôt sur une plage au sable blanc et fin,

- Au large on vit croiser l'aileron d'un requin -

Naquirent en nombre de mimi castortues,

Friandes de palmiers pour bâtir des clôtures

Mettant à l'abri tous leurs lopins de laitues,

De fleurs d'onagre, d'ipomée et quelques mûres.

(Publié dans "Écho de plumes" no 2)

 
 

La fourmigale

Aux voisins avec délicatesse

La Fourmigale alla présenter

Ses hommages pour agrémenter

D'amitié des jours pleins de tristesse.

Reine Fourmi, fort civilement,

Ecouta ses aimables paroles,

Reluquant les puissantes guiboles.

Les épaules, dame, un monument!

Elle mit fin à cette causette

Lorsque sa cour prit soudain effroi

Et chacun sait qu'un trop grand émoi

Peut gravement nuire à l'étiquette.

"Pour mon peuple, le raffinement,

C'est l'amour qu'il porte à la besogne

Sans jamais exprimer une grogne;

De voisiner, il n'est point gourmand."

Par ces mots, la pauvre Fourmigale

Ses espoirs fols vit anéantis.

En vérité, elle pressentit

Qu'à part d'avoir une tête égale,

Rien ne pourra leur faciliter

Un peu plus qu'un distant voisinage,

Rien qui pourra leur servir de gage

D'affinité et de fidélité.

Tristement, à travers le feuillage,

Elle partit priant que demain

Consolera de son coeur la faim

Quand soudain, le souffle d'un orage

La terrassa sous une fleur d'or.

"Que sera donc ce beau chrysanthème?

De mon froid tombeau le diadème

Ou éclaire-t-il un heureux sort?"

Du tremblement d'une âme sensible

Des soupirs fuirent dans l'infini

Cadencés par les coups de minuit

De l'horloge lointaine, impassible.

 

(Publié dans "Écho de plumes" no 1)

 
 

 

Miroir, miroir...

Dans son miroir se contemplant,

Le tatoucan est tout content.

"T'as tout, dit-il, à son image.

Pour porter beau malgré ton âge.

On admire ton renifloir!

Pour son fauvisme? Va savoir!

Sur un cancan, il se trémousse,

Quand un colibri passe et glousse:

"Dans ta boule, oh, Tartarin

Où vas-tu ranger ton tarin?

Sous ton blindage tu volettes

Pas plus haut que les pâquerettes.

T'as tout, mais pour n'y voir d'atout,

Point besoin d'être manitou."

 

(Publié dans "Écho de plumes" no 2)